En
intitulant cet exposé « La voie des larmes », voie avec un e pour
insister sur leur fluidité, j’étais cependant consciente et même
heureuse de la possibilité que l’on puisse entendre cette « voix » avec
un x. Car même silencieuses, les larmes qui coulent ne sont pas
muettes ; à peine jaillies de leur source énigmatique, elles attirent
le regard, suscitent l’attention et obligent à prendre position :
empathie, agacement ou indifférence, auquel cas nous ferons comme si
nous n’avions rien vu… Position délicate à tenir car nous n’avons pas
pu ne pas voir.
Dans les dépressions, quand le rire a
disparu et que la parole se raréfie, dans ce « déshumain » dont parlait
le psychanalyste Pierre Fédida, les larmes sont parfois seules à dire
le malheur qui habite le déprimé - son épuisement, son découragement,
son anéantissement. Elles font d’ailleurs partie des symptômes qui
permettent de classer les dépressions : dans l’inventaire des
dépressions de Beck, la dépression légère entraîne une augmentation des
pleurs, la forte dépression une envie constante de pleurer et la
dépression grave une incapacité à pleurer.
Ma contribution vise à mieux
caractériser ce lien entre larmes et dépressions. Je partirai de la
grande diversité des larmes, des manières de pleurer et des situations
dans lesquelles on pleure (dépressions, événements tragiques ou
heureux, états mystiques…) pour montrer en quoi la connaissance de
cette « voie des larmes » pourrait enrichir la pratique du sophrologue
ou du thérapeute face à ses patients déprimés. Cependant, parce que les
larmes s’écoulent en surface, mais viennent de l’intérieur, qu’elles
sont matière objectivable mais disent l’indicible, il m’a semblé que
pour en rendre compte, le discours scientifique ne suffisait pas. Les
larmes demandent à être dites aussi de l’intérieur, et c’est pourquoi
j’introduirai dans mon propos des citations de poètes et d’écrivains
ainsi que quelques témoignages personnels.
J’esquisserai une phénoménologie des
larmes, dans laquelle je mettrai en évidence divers éléments qui la
relient à la sophrologie, en théorie et en pratique. Puis je décrirai
le rôle des larmes dans les diverses traditions religieuses qui les ont
valorisées, et réfléchirai sur de possibles extrapolations de ces
considérations spirituelles à la sphère thérapeutique laïque.
Ce qu’elles sont, ce qu’elles révèlent
Sur le plan neurophysiologique, les
larmes sont une des manières dont le système nerveux parasympathique
aide un organisme stimulé à revenir à l’homéostasie - approche purement
objective, qui ne dit rien des enchaînements psychologiques, et à
laquelle je préfère ici les chemins plus subjectifs des sciences
humaines et de la littérature.
« En voilant la clarté du monde, les
larmes obligent au retrait loin des évidences du monde commun partagé.
» (Catherine Chalier). Or ce retrait est proche de l’épokhé, la
suspension du jugement décrite par Husserl et chère au praticien
sophrologue. Dans l’épokhê aussi, le regard se tourne vers l’intérieur
et accède à d’autres visions. Le poète Andrew Marvell le dit de manière
limpide : « …These weeping eyes, those seing tears. » (Les yeux
pleurant, ces larmes voient. »). Et Jacques Derrida va plus loin encore
: « Au fond, au fond de l’œil, celui-ci ne serait pas destiné à voir
mais à pleurer. Au moment même où elles voilent la vue, les larmes
dévoileraient le propre de l’œil. Ce qu’elles font jaillir hors de
l’oubli où le regard les garde en réserve, ce ne serait rien de moins
que l’aletheia, la vérité des yeux dont elles révéleraient ainsi la
destination suprême : avoir en vue l’imploration plutôt que la vision,
adresser la prière, l’amour, la joie, la tristesse plutôt que le
regard. » D’ailleurs en hébreu où seules les consonnes forment la
racine des mots, l’œil (ayin) et la source (maayan) ont la même racine,
de même que la larme (dim’a) et le sang (dam). … Comme pour nous
rappeler que les larmes sont un fluide corporel aussi vital que le sang
et que l’œil existe avant tout pour permettre aux larmes humaines de
couler de source.
La personne qui prend conscience de
ses larmes au moment même où elles surgissent les appréhende de façon
sensorielle (elles sont chaudes, salées, piquantes, etc…). Cette
attitude favorise le détachement, comme en témoigne le cas de Saint
Louis, qui souffrait beaucoup de n’avoir pas reçu le don des larmes.
Lorsqu’il sentit enfin les larmes couler doucement sur sa figure,
rapporte Michelet, « elles lui semblèrent si savoureuses et très
douces, non pas seulement au cœur mais à la bouche. » (Roland Barthes).
Dans l’expérience subjective des larmes, l’individu est donc présent à
sa propre sensorialité, mais aussi au mouvement intérieur si difficile
à décrire, qui fait venir les larmes aux yeux (Anne Vincent-Buffault).
Dans tous les cas, être consciemment connecté à ses propres larmes en
train de couler, c’est se situer en dehors de la vision, comme le dit
encore Derrida : « Le regard voilé de larmes (…) ne voit ni ne voit
pas, il est indifférent à la vue brouillée. Il implore : d’abord pour
savoir d’où descendent les larmes et de qui elles viennent aux yeux.»
Les larmes versées ne le sont pas
toujours en conscience : certaines larmes ont l’air de couler toutes
seules, et de vivre leur propre vie, parfois à l’insu de qui les verse.
Ainsi Charlotte Delbo devant le spectacle de la mort : « Nous ne
regardons pas, parce que les larmes coulent sur nos visages, coulent
sans que nous pleurions. Les larmes coulent de fatigue et
d’impuissance. »
Par toutes ses caractéristiques
physiques, chacune de nos larmes est unique, mais nous ne le sentons
pas, occupés que nous sommes à pleurer… Elles sont objectivement
salées, mais nous pouvons les ressentir aussi comme douces ou amères
(mais jamais acides). N’est-il pas doux par exemple de goûter les
larmes d’un être aimé, à même ses yeux ? D’ailleurs les chiens
font cela très bien… Avec des papilles plus subtiles, nous pourrions
même percevoir les différentes saveurs des larmes versées par chaque
personne, dans chaque circonstance. Ou considérer de même, avec une
attention sans faille, le devenir d’une larme unique, comme Pierre
Louÿs dans ce mini-récit : « La larme s’accrut, trembla, s’élargit,
puis soudain coula sur la joue. », ou comme le poète Paul Celan dans «
Voix de Jacob » :
« Les larmes
Les larmes dans l’œil frère.
L’une, encore pendue, grossissait.
Nous y habitons.
Respire, qu’elle se détache. »
Nous pourrions aussi, avec une
balance de chimiste, peser chaque larme versée (Cioran imagine même que
: « Seules les larmes seront pesées au Jugement Dernier »). Mais
ici-bas nul ne s’en soucie car c’est sur le cœur que pèsent les larmes,
et les plus lourdes ne parviennent même pas jusqu’aux yeux.
Par-delà leurs caractéristiques
sensorielles, les larmes, qui ne saisissent et ne retiennent rien,
témoignent d’un lâcher prise. La personne qui pleure de manière
authentique accepte humblement de reconnaître, voire de livrer au grand
jour son impuissance et sa fragilité. Or l’acceptation de ce qui
nous dépasse est un soulagement en soi, que la poétesse Nelly Sachs
révèle de manière sublime :
« Déverse en tes pleurs le poids délivré de l’angoisse
Deux papillons pour toi retiennent le fardeau des mondes
Et j’introduis tes larmes en ces paroles :
Ton angoisse est devenue lumière. »
(Nelly Sachs, Brasier d’énigmes et autres poèmes).
Ah, si tous les déprimés parvenaient à transformer leurs boules d’angoisse en de telles gouttes de lumière !
« De combien de larmes au bout d’une
vie est ciselé le visage d’un homme… » Cette remarque d’Aragon fait
aussitôt émerger de ma mémoire des visages burinés par le soleil et le
vent… Peut-être aussi par les larmes ? Et comme en écho à Aragon,
Jean-Louis Chrétien remarque que « c’est aussi le visage de notre
âme qui est ciselé par les larmes ». Ciselé : comme si les larmes
épuraient le visage, à la manière d’un burin de sculpteur.
Les larmes nous font aussi changer de
couleur : quand je pleure, mes yeux et parfois mes joues rougissent
mais ce que je ressens, c’est une brûlure, susceptible de protéger
d’une brûlure plus grave, comme dans le roman Michel Strogoff, où le
rideau de larmes couvrant les yeux du héros les isole de la brûlure
destinée à le rendre aveugle.
Enfin les larmes agissent sur l’être
bien au-delà de son visage et manifestent par excellence l’alliance du
corps et de l’esprit sur laquelle insiste la sophrologie : quand je
pleure, que mes larmes jaillissent et coulent, puis sèchent et
s’effacent, ce n’est ni mon corps seul qui fait signe, ni mon âme seule
: c’est moi tout entière, émue corps et âme comme on dit. Et cette
émotion est d’abord mouvement.
Quels rapports les larmes
entretiennent-elles avec le langage ? Celui qui pleure a renoncé à ses
illusions de toute-puissance et abandonné les certitudes du verbe. Mais
cette défaite du langage n’est pas refus de communiquer. Comme le dit
Jean-Louis Chrétien : « Celui qui pleure n’attend pas d’abord ni
seulement, qu’on lui tende un mouchoir, qu’on le prenne dans nos bras,
ni qu’on l’adresse à une cellule d’aide spécialisée, mais il requiert
avec urgence l’écoute, l’écoute singulière de l’excès de ce qui est à
dire sur sa voix. Cette écoute forme l’accompagnement patient et humble
sur le chemin qui va de l’interdit vers le dire et des larmes vers la
parole. C’est la seule consolation véritable, celle qui, selon
Kierkegaard, ne commence pas par consoler. Comment consoler ce que je
n’ai pas pris la peine d’apprendre ? »
Cependant le langage des larmes n’est
pas totalement déconnecté de celui des mots : il y a « des mots qui
pleurent et des larmes qui parlent » (Marc Gendron), des mots qui font
pleurer, des larmes qui font parler. Et « pleurer, c’est toujours en
quelque manière dire l’indicible » (Jean-Louis Chrétien). Quand les
mots ne viennent pas, ou se répètent, ou ne suffisent plus, les larmes
prennent parfois le relais. Et si l’on considère les dépressions aussi
comme des maladies de la communication (Pierre Fédida), n’est-on pas
justifié à voir dans les larmes qui viennent l’amorce d’un soulagement,
voire d’une guérison ?
Mais les larmes ne parlent jamais
seules : elles s’inscrivent dans un visage qui change d’expression,
dans un corps qui s’affaisse, se contracte ou se tord. Finalement,
c’est par tout l’être que parlent les larmes - et par tout l’être qui
leur fait face, qu’elles sont reçues. D’où la question : quelle est la
bonne manière de recevoir les larmes d’autrui et que peut proposer le
sophrologue face à des larmes de tristesse ou de douleur ? Les laisser
couler comme la vague de détente dans le corps ?
Lors d’une séance récente, j’ai eu à
faire face aux larmes de Sarah (atteinte d’un cancer récidivant du
colon), à qui j’avais proposé de se visualiser deux ans après sa
guérison. Étant incertaine quant à la signification de ces pleurs,
survenus en état de relaxation, je lui ai suggéré de les accepter comme
ils venaient, puis de retrouver le calme grâce à la respiration
abdominale, ce qui a bien fonctionné. Pourtant j’étais troublée : ces
larmes ne disaient-elles pas le désespoir de Sarah ? Et visualiser son
propre avenir n’était-il pas contre-indiqué, étant donné sa fragilité ?
Mais le dialogue post-sophronique m’a rassurée : pour elle, le fait de
pleurer sur son sort et de s’apitoyer sur elle-même, n’avait rien de
dramatique en soi. Cela lui permettait simplement d’exprimer un surplus
d’émotivité et, ses larmes ayant été entendues, elle a pu laisser
émerger un sourire, brillant comme le soleil après l’averse.
J’ai pensé à cette affirmation de
Jean-Louis Chrétien : « Nous n’avons pas à comprendre trop vite le sens
des larmes de l’autre, mais à l’accompagner vers leur horizon, qui est
une parole sienne où il se comprenne lui-même ou du moins se dise
jusque dans ce qu’il a d’obscur. »
Mais pour le thérapeute, cet
accompagnement est rarement une simple promenade de santé car les
larmes que lui adresse son patient, l’expose à ses propres failles.
Comment pourrai-je en effet
accueillir les larmes de mon patient si je n’ai pas d’abord interrogé
mes propres larmes, et compris que chaque crise de larmes est un
jaillissement de vie, un mouvement qui nous propulse vers d’autres
états d’âme et nous rend plus conscients, plus lucides ?
Il m’arrive bien sûr de pleurer
uniquement sur moi-même et pour moi-même. Larmes de regret, de
désespoir ou de colère, par lesquelles je nourris mon propre malheur.
Parfois, je verse des larmes destinées (consciemment ou inconsciemment)
à émouvoir ou à culpabiliser. Mais quel est le destinataire des larmes
jaillies de moi quand j’ignore leur pourquoi ? Où vont mes larmes que
personne ne réclame, mes larmes que personne n’a vues, entendues ou
senties, mes larmes pour rien ?
D’où elles viennent, ce qui les retient
Les larmes ont sans doute très vite
été perçues comme exclusivement humaines, et le mystère de leur origine
a constamment stimulé l’esprit humain. Dans l’ancienne Égypte comme
pour les Incas, un mythe attribuait ainsi la naissance des hommes aux
larmes du Soleil (Rê pour les Égyptiens, Vicarocha pour les Incas).
Que dit notre époque de l’origine
psychologique des larmes ? Le psychanalyste J.-B. Pontalis nous met en
garde : « … Souvent, je n’ai pas la moindre idée de ce qui fait venir
les larmes à cette femme. S’abstenir alors de lui demander : « Pourquoi
pleurez-vous ? », elle l’ignore. Ne pas se laisser attendrir :
l’émotion qui se montre n’est pas indice de vérité, son évidence peut
être trompeuse, l’affect, que tant d’analystes tiennent pour
infalsifiable, sait mentir. (Les hystériques en jouent à nos dépens et
aux leurs.) »
Certaines situations (vécues ou
simplement évoquées) me font régulièrement venir les larmes aux yeux :
naissance, mariage, mort… Que je pleure à propos d’un décès renvoie
sans doute à la peur de ma propre mort. Mais à propos d’une naissance ?
Quel chemin intérieur conduit de la manifestation d’une vie nouvelle au
jaillissement de mes larmes ? Il me semble qu’en pleurant, je
reconnais appartenir à la communauté des vivants : comme ce nouveau-né
qui vient au monde, j’ai quitté un jour le ventre de ma mère. Et comme
ce nouveau-né qui un jour quittera la vie, je mourrai moi aussi.
Ainsi, toute naissance me rappelle ma
condition mortelle, et chaque rappel de ce genre est un choc que mes
larmes aident à métaboliser.
Dans son « Éloge des larmes », Roland
BARTHES se demande : « Quel est ce « moi » qui a « les larmes aux yeux
» ? Quel est cet autre qui, telle journée, fut « au bord des larmes » ?
Qui suis-je, moi qui pleure « toutes les larmes de mon corps » ? ou
verse à mon réveil « un torrent de larmes » ? » Alors si je me disais «
ça pleure en moi » plutôt que « je pleure », mes larmes n’en
seraient-elles pas plus paisibles ?
- Le « don des larmes » (j’y
reviendrai plus longuement à propos de la spiritualité) est un
processus à double sens, qui produit les larmes et qui est produit par
elles. Nos larmes ne sont-elles pas un cadeau que nous faisons à qui
accepte de les regarder, et de les entendre ? Quand nous pleurons face
à quelqu’un, nous lui faisons confiance pour savoir quoi faire de nos
larmes.
Mais il est des larmes plus secrètes,
versées à l’écart, dans la solitude de la douleur ou du désespoir : des
larmes qu’il serait honteux de laisser voir, et qu’il n’est pas
question de partager. Ces larmes nous font toucher le fond.
Les larmes tenues en réserve ne sont
pas toutes versées. Nous ne pleurons jamais toutes les larmes de nos
corps. De ce trésor de larmes possibles, qui accompagne nos vies, seule
une partie se matérialisera, versant concret de nos émotions remontées
en surface. Car lorsque le désespoir est trop fort, ou l’événement
déclenchant trop proche, le déprimé n’a même plus le secours des
larmes.
Ainsi Dante :
« Les larmes mêmes empêchent de pleurer,
Et la douleur, qui trouve obstacle sur les yeux,
Se retourne au-dedans et fait croître l’angoisse.
Car les premières larmes font une masse,
Et comme des visières de cristal,
Remplissent toute la coupe sous les cils. »
(L’Enfer, chant XXXIII).
Et dans la Vita nova, Dante évoque le
« deuil des larmes », que l’on peut entendre soit comme le deuil qui se
manifeste par les larmes, soit comme les larmes impossibles à verser et
dont on a fait le deuil.
Dans une dépression consécutive à un
deuil, les larmes sont parfois très présentes (l’endeuillé « pleure
comme une fontaine ») mais le plus souvent elles manquent à l’appel.
Quelle que soit la cause de cette absence (excès de larmes versées
ayant fini par en tarir la source, ou mystérieux blocage faisant
obstacle à leur écoulement), le sophrologue pourra proposer à son
patient de vivre en séance une situation représentant un pas de côté
par rapport à son deuil. Il l’incitera par exemple à visualiser une
situation de perte vécue dans son passé (deuil ou absence d’un être
cher, vol d’un objet important, oubli significatif), perte douloureuse
qu’il a été capable de déplorer puis de surmonter à l’aide de
stratégies personnelles. Ou alors il lui proposera de revivre un
problème qui lui apparaissait à une certaine époque « gros comme une
montagne » et qui s’est finalement résolu grâce aux nouvelles
compétences qu’il a développées.
Résumons les principales conséquences thérapeutiques de l’approche phénoménologique des larmes, dans le cas des dépressions :
Pleurer favorise la suspension du
jugement, le regard intérieur et la communication directe des émotions
- importante mais difficile chez les déprimés.
Prendre conscience de ses propres
larmes en train de couler accroît à la fois la sensorialité et le
détachement, les deux étant nécessaires dans la lutte contre la
dépression.
Les larmes témoignent d’un lâcher prise c’est-à-dire d’une acceptation, qui est un soulagement en soi.
Nées d’une émotion, les larmes
remettent en mouvement les déprimés, qui sont souvent figés et
précisément incapables d’exprimer leurs émotions.
Les larmes des déprimés en présence du thérapeute sont avant tout une demande d’écoute.
Pour qui les entend, les larmes
parlent et font parler : celles des déprimés les inscrivent dans le
monde de la communication d’où ils ont tendance à s’absenter.
Parce qu’elles sont émises par l’être tout entier, les larmes réunifient le déprimé quand il se sent morcelé.
Parce qu’elles sont reçues par l’être
tout entier, elles interrogent le thérapeute sur ses propres larmes et
lui demandent des efforts de lucidité.
Pour Roland Barthes, les larmes sont
le « liquide cordial ». J’aime beaucoup cette expression qui nous
rappelle que les larmes sincères viennent du cœur et parlent au cœur,
c’est-à-dire à l’âme. Dès lors comment s’étonner que les religions, qui
portent un intérêt passionné à la vie de l’âme, y aient été sensibles ?
Elles se sont interrogées sur le mystère de la source des larmes, se
sont émues de l’humilité qui les accompagne et de leur appel à la
consolation.
Nées du souci de la mort et des
morts, elles n’ont pas pu ignorer le rôle des larmes dans les processus
de deuil : larmes spontanées ou ritualisées, individuelles ou
collectives, adressées aux endeuillés, au défunt ou à Dieu.
De la colère au désespoir, puis à la
tristesse et à la résignation, tous les stades du deuil ont leurs
larmes spécifiques, dans lesquelles ils s’incarnent tout en se
dissolvant.
Partout dans le monde, les mythes,
les écrits sacrés et les rituels religieux sont les dépositaires des
plus anciennes interprétations des larmes, parmi lesquelles on peut
distinguer deux grandes familles : les larmes manifesteraient d’une
part le lâcher prise devant l’inéluctable, et d’autre part le pouvoir
de transformer des situations figées. Elles seraient ainsi,
paradoxalement, aussi bien passives qu’actives.
La tradition juive
Dans le judaïsme, les larmes sont
très présentes tant dans la Bible que dans les commentaires talmudiques
et les livres mystiques de la Kabbale.
Larmes de compassion (Abraham
pour son fils Isaac), d’imploration (Esaü demandant à son père de le
bénir aussi), de réconciliation (Jacob et Esaü), d’émotion (Jacob
rencontrant Rachel), de douleur (Rachel, pleurant ses fils exilés) ;
larmes de Joseph se faisant reconnaître de ses frères. Larmes enfin des
prophètes : Isaïe selon lequel, dans les temps messianiques «
Dieu essuiera les larmes de tous les visages » (Is 25, 8) ; et surtout
Jérémie, décrivant la souffrance de son peuple, à la suite de la
destruction de Jérusalem et de l’exil à Babylone : « Mes yeux se
répandent en torrent de larmes à cause de la catastrophe de mon peuple.
» (3, 48-49) ou encore : « Mes yeux se consument dans les larmes » (Lm
2, 11). Pauvre Jérémie, il n’avait sans doute pas anticipé qu’il
devrait sa gloire posthume à l’invention supposée des jérémiades...
Qohelet (l’Ecclésiaste), lui, ne fait
pas état de ses propres larmes, mais constate qu’il est un temps pour
chaque chose sous le Soleil, notamment un temps pour pleurer et un
temps pour rire. Peut-être pouvons-nous voir dans cet aphorisme une
invitation à vivre pleinement l’instant : si c’est le temps de pleurer,
alors pleurons vraiment, même si par ailleurs « tout est vanité »…
Le judaïsme commente aussi les larmes
au regard de la prière. En l’occurrence il s’agit moins de pointer le
rôle éventuel des larmes dans la récitation de certaines prières, que
de montrer en quoi elles constituent par elles-mêmes d’authentiques
vecteurs de prière.
Le psalmiste interpelle Dieu en lui
disant : « Tu écoutes la voix des larmes » (Ps 9, 6), donc : « Écoute
ma prière Éternel, prête l’oreille à mon cri, ne reste pas muet devant
mes larmes, car je suis un étranger chez toi » (Ps 39, 13). Émouvante
remarque émanant du roi David, qui pointe la fragilité inhérente au
statut d’étranger…
R. Juda commente ce psaume ainsi : «
Les larmes de la prière et du repentir, celles qui expriment une
supplique dans la détresse percent tous les firmaments et ouvrent les
portails, pénètrent devant le Roi. » (Zohar).
R. Eleazar dit que même si, depuis la
destruction de Temple les « portes de la prière » sont fermées, les «
portes des larmes », elles, restent ouvertes (Talmud Babli).
R. Nahman de Bratslav ajoute que les
prières en larmes sont non seulement entendues par Dieu mais purifient
aussi le corps de tout ce qui le pollue et l’enténèbre.
Enfin, R. Yaakov Yosef de Polennoye
affirme que « la prière des larmes est celle qui enveloppe toutes les
autres » par son pouvoir de réparation du monde. La réparation du
monde, tikkoun olam en hébreu, est un concept majeur de la kabbale
lourianique, selon laquelle Dieu, en créant le monde, s’est
partiellement contracté en rayons de lumière, qui se sont dispersés en
étincelles emprisonnées à l’intérieur de la matière créée.
C’est par la prière, et surtout par
la contemplation rituelle des diverses émanations divines (sephirot),
que ces étincelles seraient libérées de leur gangue de matière et
fusionneraient avec l’essence divine, accomplissant ainsi la réparation
du monde. Mais comment la prière des larmes, qui manifeste un manque
individuel, pourrait-elle colmater des failles cosmiques ? Aussi
paradoxale que soit cette idée, elle exprime une vérité profonde du
fonctionnement humain, résumée par Jean-Louis Chrétien : « Les larmes
(…) forment la faille ou la blessure où nous devenons ouverts et
disponibles à plus que nous ne pouvions. » Encore faut-il que les
expériences traversées nous aient permis de quitter notre carapace de
certitudes pour consentir profondément aux émotions qui traversent
notre corps.
En lâchant prise, le déprimé qui
parvient à pleurer a déjà fait un certain chemin spirituel : quelque
chose de compact et figé s’est brisé en lui (je pense ici à la
glaciation des affects, évoquée par Pierre Fédida à propos de la
dépression) et c’est à partir de cette brisure qu’il pourra se frayer
un chemin hors de l’état dépressif.
Le judaïsme, décidément fort
intéressé par toutes les larmes possibles et imaginables, a même émis
l’idée audacieuse que Dieu lui-même pleure sur ses créatures. Pourquoi
pleure-t-Il ? Dans le Talmud de Babylone, c’est quand Il se souvient
des souffrances d’Israël en exil qu’Il verse des larmes dans la mer.
(Berakhot 59a). Et par la bouche du prophète Jérémie, c’est sur les
ignominies de son peuple qu’il pleure : « Et si vous n’écoutez pas,
dans des lieux secrets mon âme pleurera à cause de l’arrogance et mes
yeux seront inondés et se répandront en larmes, puisque le troupeau de
l’Eternel aura été capturé. » (Jr 13, 17). Et il demande qu’on appelle
les pleureuses pour « qu’en toute hâte elles entonnent des complaintes
sur nous, pour que nos yeux ruissellent de larmes, que nos paupières
fondent en eau » (Jr 9, 17).
Les sages du Talmud se sont
longuement interrogés sur ces pleurs secrets de l’Éternel. Pour
certains, c’est par discrétion que Dieu pleure en cachette, pour ne pas
détruire la lueur d’espoir qui règne encore dans le monde (Hagiga 5b).
Rachi, lui, y voit un appel à penser une impuissance de Dieu vis-à-vis
de l’homme et à renoncer à l’idée d’un dieu consolateur. Enfin, une
réponse issue du courant piétiste hassidique propose que ces lieux
secrets se trouvent dans un repli profond de l’âme humaine, (le « point
intérieur » du R. de Gur, in Chalier, Traité des larmes) qui
deviendrait, par la grâce des larmes partagées, le lieu de rencontre
privilégié entre l’humain et le divin.
Le christianisme
La dimension gracieuse des larmes
sera particulièrement présente dans les reprises chrétiennes du « don
des larmes », conçu comme don de Dieu autant que cadeau à Dieu en
réponse à sa grâce. Les larmes versées dans une perspective spirituelle
(qu’elles soient de regret, de repentir ou même de joie comme chez
Pascal) ont donc une valeur ajoutée par rapport aux larmes de la «
simple » dépression. Jésus lui-même a évoqué le « pouvoir purificateur
des larmes » en réponse aux pleurs de repentir de la femme pécheresse
(Luc 7, 49). D’ailleurs lui-même a pleuré, que ce soit sur la tombe de
son ami Lazare (Jean 11, 35) ou sur le destin tragique de Jérusalem
(Luc 19, 41).
Par la suite, ce don des larmes sera
abondamment sollicité et commenté par des figures mystiques de saintes,
telles que Catherine de Sienne (XIVème siècle) et Thérèse d’Avila
(XVème siècle).
Catherine de Sienne relate tout son
parcours spirituel dans ses Lettres, où les larmes occupent une place
de choix en tant qu’outils pour comprendre les états de l’âme mystique
unie à Dieu. Au début comme à la fin des Lettres, écrivant, dit-elle,
au nom de la Vérité suprême, Catherine insiste sur la dimension
affective des larmes : « Tu sais maintenant que toute larme procède du
coeur, c’est le coeur qui donne les larmes aux yeux lorsque l’ardeur du
désir les y fait naître ». Et elle s’interroge sur « la différence des
larmes, ce qu’elles sont, d’où elles viennent et les fruits qu’elles
produisent » pour les classer de façon hiérarchique : larmes
imparfaites (de damnation, de crainte, de douceur) ou parfaites
(d’amour désintéressé), enfin larmes de feu « de ceux qui
voudraient pleurer et ne le peuvent pas ». Mais qui « ne sont pas moins
efficaces que les larmes qui coulent des yeux ». Par elles, fait dire
Catherine à la Vérité suprême, « l’âme persévère dans l’humilité, la
prière et le désir de me goûter ». Et cette progression ne
connaît pas de terme : « Vous n’êtes pas infinis dans votre douleur,
mais vos larmes sont infinies par le désir infini de l’âme ».
Ce qui est passionnant dans la
phénoménologie des larmes de Catherine de Sienne, outre qu’elle
retrouve des éléments déjà présents dans le judaïsme (rapport des
larmes au cœur, à l’humilité, à la prière), c’est son idée de
l’infinité des larmes, héritée de l’infinité du désir de connaissance (libido sciendi). Autrement dit les larmes deviennent chez Catherine de Sienne un outil de connaissance à part entière.
Dans son Livre de la Vie, Thérèse
d’Avila revient sur les larmes qu’elle a versées pendant ses vingt
premières années de vie religieuse. Au début, dit-elle : « Mes larmes à
moi me semblaient des larmes de femme, des larmes sans énergie,
puisqu’elles ne m’obtenaient point ce que je désirais ». Que
désire-t-elle donc ? Se convertir à l’amour divin et s’unir à Dieu de
la manière la plus intime possible.
Pour y parvenir elle imitera d’abord
la Madeleine, versant « un torrent de larmes » devant une statue du
Christ couvert de plaies sanglantes, et surtout saint Augustin, dont le
récit de conversion la laissera baignée de larmes. Mais contrairement
aux larmes de sa jeunesse, ces larmes nouvelles sont éminemment
positives : « Les larmes peuvent tout gagner », dira Thérèse d’Avila (Livre de la Vie, 19, 3),
comme en écho aux larmes infinies de Catherine de Sienne. Tout gagner,
c’est recevoir la grâce divine par tout son être y compris corporel ;
et les larmes seront pour Thérèse d’Avila le premier signe corporel de
la grâce qui atteint d’abord son visage avant de s’installer dans son
corps tout entier.
L’Église d’Orient a établi sa propre
typologie des larmes, qui distingue les larmes naturelles des
surnaturelles, directement liées à la grâce. Saint Jean Climaque
distingue également entre les larmes amères du chagrin et les larmes
douces de la joie. Pour Grégoire de Naziance la prière continuelle
produit des larmes, qu’il compare à un deuxième baptême régénérant
l’âme comme la pluie régénère le sol. Ces larmes, que stimulent la
volonté, l’introspection ou la réflexion sur les qualités divines,
peuvent aussi surgir spontanément. Elles seront alors qualifiées soit
de don spirituel des larmes, soit de mystère (Jean Climaque).
Il y aurait encore beaucoup à dire
sur le rôle attribué aux larmes dans les autres traditions
spirituelles. Je me limiterai ici à quelques exemples, qui donneront
une idée de l’incroyable richesse des pensées et pratiques religieuses
des larmes.
Parmi les traditions musulmanes, le
soufisme classique donne cinq raisons possibles pour l’âme de pleurer :
le regret, la peur, la joie, la brûlure (de séparation d’avec l’être
aimé), enfin la reconnaissance de la vérité. Il note que l’âme peut
pleurer vers Dieu, mais aussi à partir de Dieu (on n’est pas loin ici
de la tradition juive des larmes de Dieu). Et ces larmes ont également
une vertu purificatrice.
De nombreuses traditions insistent
sur les larmes prescrites dans des contextes divers : nuptial,
sacrificiel, ou funéraire. On trouve ces pleurs rituels collectifs déjà
dans la Bible puis dans l’islam chiite (avec les pleureuses requises
lors des enterrements), mais aussi dans la Grèce, le Japon et le
Mexique anciens ainsi que chez les Yoruba du Nigéria.
Le bouddhisme, lui, insiste plutôt sur les larmes de compassion, qui sont versées individuellement.
Une tradition de la Grèce ancienne
fait état d’un « lac de la mémoire », où boivent les morts et
qu’alimentent les larmes des vivants endeuillés. Et en Chine existe une
croyance selon laquelle les larmes des endeuillés consolent aussi les
défunts.
Enfin je voudrais vous faire part
d’une tradition relative au deuil dans l’ancien Mexique : quand un
guerrier mourait, ses parents jeûnaient pendant 80 jours sans se laver
le visage. La saleté s’incrustait dans les traces de larmes et créait
un masque concret de pleurs. À la fin du deuil, ces masques de larmes
étaient essuyés, enveloppés de papier et enterrés dans un lieu
spécifique comme on avait enterré le défunt, lors de la cérémonie dite
de « vestiges des larmes ».
Finalement, qu’elles soient positives
ou négatives, les larmes sont des médiatrices par excellence : entre
humains, entre l’homme et la transcendance (Dieu unique des
monothéismes, dieu d’un panthéon, âme d’un ancêtre), entre les vivants
et les morts. Dans la communication humaine, les larmes pallient
souvent l’impossibilité de dire. Dans le cheminement spirituel, elles
en appellent à la pitié divine ou à la protection ancestrale. Dans le
deuil, les larmes des endeuillés s’adressent aussi aux défunts,
auxquels elles disent qu’ils ne sont pas oubliés.
Messagères de la communication tous
azimuts, les larmes accompagnent ainsi presque toujours la
réconciliation et le pardon, à l’égard d’autrui comme de soi-même. Ne
sont-elles pas en ce sens un cadeau pour les sophrologues et
thérapeutes qui auront réussi à les apprivoiser ? Un cadeau précieux
car :
« Si les larmes servaient de remède au malheur
Et le pleurer pouvait la tristesse arrester,
On devrait, Seigneur mien, les larmes acheter.
Et ne se trouverait rien si cher que le pleur. »
(Du Bellay, Les Regrets)
Ouverture
En guise de conclusion, jetons un
regard sur des larmes un peu particulières : celles qu’a créées puis
photographiées l’artiste Man Ray, en réponse à une commande
publicitaire pour le mascara Cosmécil d’Arlette Bernard.
Dans cette photographie surréaliste
de 1933 intitulée Larmes, cinq perles de glycérine brillent aux coins
des yeux et du nez d’une jeune femme : larmes superficielles, figées
dans leur perfection intemporelle. Ces larmes surréelles sont sans
pourquoi. Elles ne voilent pas le regard, ne coulent ni ne tombent, ne
déplorent rien, n’appellent personne. Mais paradoxalement, ces fausses
larmes suspendues à leur absence de destin me touchent davantage que
bien des larmes authentiques. Comme si chacune partageait avec
moi, dans sa singularité, l’instant d’éternité qu’elle incarne.
Man Ray, Larmes (1933)
Références
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Ruth SCHEPS, Septembre 2010